CHAPITRE XXVIII

Sur la passerelle du Gorgone, l’amirale Daala assista avec horreur à la destruction de l’Hydre ; la passerelle venait d’être déchiquetée par le Broyeur de Soleil. Les pilotes des six escadrilles de chasseurs Tie seraient les seuls survivants.

Tous les autres étaient morts.

Même si son expression demeurait de glace, des larmes lui brûlaient les yeux. Des milliers d’hommes mouraient tandis que l’Hydre tombait dans un trou noir comme un dragon abattu.

Brillant d’invincibilité, le Broyeur de Soleil continuait sa route, mettant le cap sur la sortie de la Gueule.

Elle ordonna de le poursuivre.

La défaite s’abattit sur elle avec la violence d’un marteau sur une enclume. Elle se terrait dans la Gueule depuis trop longtemps, occupée à exercer ses troupes, à ajouter les simulations aux répétitions…

Mais cela ne suffisait pas.

Dès sa première bataille, Daala avait perdu un quart de ses forces… contre quatre fuyards !

Le Grand Moff Tarkin l’aurait giflée et relevée de ses fonctions.

L’amirale eut l’impression de sentir de cuisantes zébrures sur ses joues.

– Ils regretteront le jour où ils nous ont défiés ! murmura-t-elle.

Sans le Broyeur de Soleil, son projet de plonger la Nouvelle République dans le chaos s’écroulait lamentablement.

Elle prit une grande inspiration.

Ce n’est pas le moment de paniquer. Réfléchis vite. Prends une décision…

Sauve la situation !

La colonne de communications holographiques émit une série de parasites annonçant un appel. L’image de Tol Sivron apparut. La transmission était brouillée par les tirs de lasers.

– Amirale Daala ! Si vous avez l’intention de déployer votre flotte, j’insiste pour que vous emmeniez les scientifiques du Complexe de la Gueule avec vous !

Sans même se retourner vers la projection du Twi’lek, Daala continua d’observer la lente agonie de l’Hydre.

Elle recensa les nombreux accrochages qu’elle avait eus avec l’administrateur : l’incompétence de Sivron, ses retards, ses prétextes, sa passion ad nauseam des rapports et des tests inutiles…

– Vous restez ici, Tol Sivron. Il est temps que nous agissions en soldats impériaux.

Le Twi’lek agita nerveusement ses tentacules de chair :

– Allez-vous nous abandonner sans défense ? Que faites-vous des ordres du Grand Moff Tarkin ? Vous êtes censée nous protéger ! Au moins, laissez-nous un destroyer !

Daala secoua la tête :

– Tarkin est mort ; je prends les décisions à présent. J’ai besoin de toute ma puissance de feu pour porter un coup fatal à la Nouvelle République.

– Amirale Daala, je dois insister…

L’ancienne protégée de Tarkin dégaina son blaster, visant l’image holographique de Tol Sivron. Si le Twi’lek s’était trouvé sur la passerelle, elle l’aurait tué. Mais elle ne pouvait détruire un équipement onéreux dans un accès de colère. Gardant l’arme pointée sur l’administrateur, elle avança.

– Votre demande est refusée, directeur Sivron.

Puis elle coupa la communication et retourna au centre de la passerelle.

– Commander Kratas, nous allons sortir de la Gueule pour poursuivre le Broyeur de Soleil. Rappelez sur-le-champ toutes les escadrilles de chasseurs Tie !

Kratas obtempéra.

Les petits intercepteurs regagnèrent les hangars des destroyers impériaux.

Daala fit les cent pas.

– Reliez les ordinateurs des trois destroyers. Je fournirai les coordonnées secrètes permettant de sortir de la Gueule.

La dernière fois que quelqu’un avait quitté le Complexe de la Gueule, c’était les ingénieurs responsables de sa construction… On leur avait donné un mauvais cap, afin qu’ils se perdent dans l’amas de trous noirs.

Cette fois, l’amirale Daala retournerait dans la Galaxie pour reprendre ce qui appartenait à l’Empire.

 

Le Broyeur de Soleil vibrait sous les influences contraires des forces gravitationnelles de la Gueule.

Assis devant les commandes, Kyp Durron manœuvrait sous le regard expert de Yan Solo. Mais le Corellien n’osait pas critiquer les intuitions de son jeune ami, même si la trajectoire du Broyeur de Soleil semblait les mener en enfer.

Les yeux mi-clos, Durron se fiait à sa vision mentale pour guider le vaisseau dans le labyrinthe. Il sentait la main rassurante de Solo sur son épaule.

Autour d’eux, les gaz ionisés brûlaient comme les feux de l’enfer.

Les yeux écarquillés par la terreur, Qwi Xux fixait Kyp sans comprendre.

– Ne vous inquiétez pas, fit Yan. Le gosse sait ce qu’il fait. Il nous sortira de là.

– Mais comment fait-il ?

– La science ne saurait l’expliquer. Je ne suis pas sûr de comprendre moi-même la Force, mais je ne me pose plus de questions. Je pensais que c’était un truc mystique réservé aux illuminés… Plus maintenant.

Soudain les gaz s’écartèrent comme un rideau, révélant la noirceur de l’espace. Enfin, ils étaient hors de la Gueule !

 

Dans leur fuite éperdue, Luke et Lando essayèrent de se frayer un passage parmi les navires les plus grands. Ils grimaçaient à chaque fois qu’une rafale touchait les boucliers du Faucon.

L’immense silhouette du croiseur Loronar leur bloquait le passage, les empêchant de se jeter dans la Gueule. Les dix tourelles à ions crachaient sur eux leurs rayons de destruction.

Une rafale toucha le Faucon Millenium.

Une partie des systèmes explosèrent dans une gerbe d’étincelles.

Lando enclencha les systèmes de secours et hurla à son compagnon :

– Nos boucliers rendent l’âme ; ces gens là ne font pas de prisonniers !

– Direction, la Gueule ! répondit Skywalker. C’est notre seule chance.

– Jamais je n’aurais pensé un jour croiser les doigts pour que cette idée de fou marche ! D2, vois si tu peux augmenter la puissance du déflecteur avant. Le destroyer va décharger ses lasers sur nous. Si un seul tir fait mouche, nous sommes morts !

– Attends ! fit Luke, fixant les gaz multicolores. Quelque chose sort de la Gueule !

Le Broyeur de Soleil jaillit dans l’espace, laissant derrière lui une traînée scintillante. Quelques instants plus tard, trois destroyers impériaux armés jusqu’aux dents surgirent du passage.

 

Le soupir de soulagement de Solo se transforma en exclamation de désarroi quand il vit la flotte de Kessel, massée devant rentrée de la Gueule.

– D’où viennent ces navires ? gémit-il. Impossible qu’ils nous attendent encore !

Epuisé par l’épreuve qu’il venait de vivre, Kyp murmura :

– Yan, à chaque fois que nous nous évadons, c’est pire ! Pourquoi ?

– Une simple question de chronométrage, petit. (Il boxa la console.) Ce n’est pas juste ! Ils auraient dû abandonner les recherches depuis plusieurs jours !

Chewbacca poussa un hurlement de dépit, puis il pointa le doigt en direction du vaisseau qui fonçait sur eux, en tête de la flotte.

Le Faucon Millenium !

Yan grimaça :

– Je vais me faire le salopard qui pilote mon vaisseau ! Aucun canon-laser n’est opérationnel ?

Après avoir vérifié ses instruments, le Wookie secoua la tête.

– Dans ce cas, nous allons opérer de même manière que pour le destroyer impérial !

– Yan, le coupa Durron, j’ai l’impression que ces vaisseaux chassent le Faucon. Ils lui tirent dessus !

Solo scruta la scène pour se faire une opinion.

Qwi semblait d’accord avec Kyp :

– Le cargo léger ne paraît pas appartenir à la flotte d’assaut.

En effet, les trois plus gros navires ouvraient le feu sur le Faucon.

– Eh, que se passe-t-il ? s’étonna le Corellien. Ils n’ont pas intérêt à faire sauter mon vaisseau !

Alors les trois destroyers de Daala, le Gorgone, le Basilic et le Manticore, jaillirent de la Gueule comme des monstres prêts à les avaler.

– Attention, boucliers arrière, Yan ! s’écria Durron.

Ouvrant le feu sur le Faucon, les forces mercenaires de Kessel se trouvèrent face aux Impériaux. Certains capitaines rebroussèrent chemin.

D’autres paniquèrent.

Ils vidèrent leurs batteries de lasers sur les destroyers impériaux.

 

L’amirale Daala s’efforça de garder le contrôle de sa flotte. Rencontrer d’étranges vaisseaux à la sortie de la Gueule la choqua, mais elle réagit aussitôt :

– Levez les boucliers ! C’est un piège. Les forces rebelles nous attendaient !

Comment Yan Solo était-il parvenu à tromper son droïd de torture ? Les Rebelles avaient-ils découvert le Complexe et envoyé Solo pour attirer sa flotte hors de la Gueule, afin de l’anéantir ?

Elle vit l’ennemi ouvrir le feu, mais il manquait de puissance contre ses destroyers. Après tout, le Grand Moff Tarkin lui avait donné la possibilité de réduire des planètes en poussière !

– Branle-bas de combat ! Nettoyons ce secteur de la Galaxie une bonne fois pour toutes ! (Elle pointa le doigt sur l’adversaire.) Feu !

 

Luke et Lando échangèrent un regard perplexe alors que les tirs explosaient autour d’eux.

– C’est peut-être notre seule possibilité de nous en sortir vivants ! s’exclama Calrissian.

– Avec un peu de chance, ils ne s’apercevront pas que nous nous sommes éclipsés.

– Mais d’où diable viennent ces destroyers impériaux ?

Soudain, une sonnerie retentit sur la console de communications du Faucon. Ce son normal parut presque incongru au milieu des alarmes d’avarie.

D2 émit une série de sifflements pour attirer l’attention.

Lando baissa les yeux :

– Nous avons un message sur la fréquence privée du Faucon. Qui peut la connaître ? Seul le propri…

La voix furieuse de Yan Solo jaillit des haut-par-leurs :

– Quiconque se trouve à bord du Faucon devra avoir une excellente raison de voler à bord de mon vaisseau !

– Yan, c’est toi ? demanda Calrissian.

Luke poussa un soupir de soulagement.

– Lando ? répondit Solo après une courte pause. Qu’est-ce que tu fiches là ?

Les grognements de joie de Chewbacca couvrirent en partie l’exclamation du Corellien.

Dans l’espace, la bataille faisait rage à grand renfort d’éclairs aveuglants, d’explosions et de rafales. Comme des dragons de Krayt en rut, les forces de Kessel et la flotte impériale s’affrontaient.

– Yan, écoute bien. Luke est près de moi. Nous devons fuir le système de Kessel, mais l’ordinateur de navigation du Faucon a été démonté. Nous ne pouvons pas sauter dans l’hyperespace sans cap !

Une explosion secoua le navire, mais la plupart des combattants de Kessel concentraient leur feu sur les destroyers de Daala. Bien que surclassés en puissance, les trois croiseurs Carrack unirent leurs forces contre le Basilic.

Dans les haut-parleurs du Faucon, Skywalker et Calrissian entendirent Yan s’adresser à quelqu’un d’autre, avant de répondre à ses amis :

– Nous pouvons transmettre les coordonnées à votre ordinateur de bord. Nous rentrerons en tandem sur Coruscant.

Lando vérifia l’ordinateur, et vit des chiffres défiler sur son écran.

Il leva un poing triomphant :

– Je les ai ! D2, prépare le Faucon pour le saut en hyperespace !

– Tu as intérêt à prendre soin de mon navire, Lando ! gronda la voix de Solo. A mon signal !

– Tu as ma parole, Yan.

Les doigts du Noir pianotèrent sur la console de commandes.

– Paré à passer en hyperespace ! s’écria le Corellien.

Les forces de Kessel étaient trop occupées par les trois destroyers impériaux pour remarquer les manœuvres des deux navires. L’amirale Daala n’étant pas disposée à rester sur la défensive, les escadrilles de chasseurs Tie se déversèrent bientôt des hangars des trois forteresses spatiales, afin de massacrer les pilotes inexpérimentés de Moruth Doole.

– Quand tu voudras, Yan !

– Maintenant !

Avant de sauter dans l’hyperespace, ils eurent le temps de voir l’imposant croiseur Loronar exploser sous les coups combinés du Manticore et du Gorgone. L’immense vaisseau percuta le destroyer Basilic, l’endommageant gravement avant de disparaître dans un des puits gravifiques de l’amas de trous noirs.

Puis l’univers se réduisit pour eux à des traînées de lumière stellaire.